Fiscalité

Projet de loi de finances pour 2021 (à jour au 16 octobre 2020)

10 Nov 2020

Le premier projet de loi de finances pour 2021 (le « PLF 2021 ») a été présenté en Conseil des ministres le 28 septembre 2020 et a été renvoyé devant la Commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée Nationale.

Avant d’évoquer les réformes prévues par le PLF 2021, rappelons à titre introductif que le PLF 2021 poursuit la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (« IS ») prévue initialement par la loi de finances 2018 et modifiée par la loi n°2019-759 du 24 juillet 2019. Ainsi, à compter du 1er janvier 2021, les sociétés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 millions d’euros seront soumises à un taux d’IS de 26,5%. Tandis que pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur ou égal à 250 millions d’euros, le taux d’IS sera fixé à 27,5%.

Par ailleurs, la réforme de la taxe d’habitation se poursuivra. À compter de 2021, 80% des contribuables en seront exonérés, tandis que les 20% restant bénéficieront d’une exonération à hauteur de 30%.

Le PLF 2021 étant dense, seules les mesures les plus significatives seront analysées. Précisons également que les réformes qui sont présentées ci-dessous pourraient faire l’objet de modifications au cours des différentes étapes de discussion du PLF 2021 à l’Assemblée Nationale.

  • Impôt sur le revenu (« IR »)

Ajustement des limites des tranches du barème de l’IR. Le PLF 2021 prévoit d’augmenter de 0,2% chacune des tranches du barème de l’IR, de telle sorte à le rendre conforme à l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac de 2020.

Après application de l’augmentation de 0,2% les tranches du barème de l’IR 2020 seraient les suivantes :

Fraction du revenu imposable (pour une part)Taux d’imposition à appliquer sur la tranche correspondante
Jusqu’à 10 084 €0%
De 10 084 € à 25 710 €11%
De 25 710 € à 73 516 €30%
De 73 516 € à 158 122 €41%
À partir de 158 122 €45 %

 

Mise en place d’un nouveau crédit d’impôt destiné à remplacer le crédit d’impôt pour la transition énergétique (« CITE »). Rappelons que le CITE arrive à échéance le 31 décembre 2020 et sera remplacé par une prime versée par l’Agence nationale de l’habitat en cas de rénovation énergétique d’un logement. Toutefois, cette prime ne sera pas versée en cas de dépenses d’acquisition et de pose de système de charge pour véhicule électrique, car cela ne concerne pas une dépense de l’amélioration de l’habitat.

Dans ce contexte, le PLF 2021 prévoit la création d’un nouveau crédit d’impôt pour toutes les dépenses afférentes à l’installation de systèmes de charges sur les places de stationnement affectées à la résidence principale. Ce nouveau crédit d’impôt sera égal à 75% des dépenses éligibles effectivement supportées entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023, dans la limite de 300€ par système de charge.

  • TVA

Reprise dans le droit interne des principes dégagés par la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») sur les opérations dites uniques. Le premier projet de loi de finances pour 2021 prévoit la création d’un nouvel article 257 ter du CGI qui reprendrait les principes de la jurisprudence communautaire sur le traitement des opérations uniques ou complexes. Cet article rappellerait le principe selon lequel chaque opération imposable à la TVA doit être appréciée de manière distincte et indépendante et soumise à son régime propre. Néanmoins, une opération comportant plusieurs éléments qui sont si étroitement liés qu’ils forment objectivement une seule prestation économique indissociable, doit être considérée comme une opération unique et ne doit pas être artificiellement décomposée. Il est précisé à ce sujet, qu’une opération unique comportant des éléments équivalent mais relevant de taux de TVA différents, se verrait appliquer dans son intégralité le taux de TVA le plus élevé. Tandis qu’une opération unique qui comporte des éléments dont certains sont principaux et d’autres accessoires, serait soumise au taux de TVA applicable aux éléments principaux. Toutefois, par exception, lorsque le taux de l’élément principal est le taux particulier de 2,1%, les éléments accessoires de l’opération resteraient soumis au taux qui leur est propre.

Suppression de l’imposition à la TVA des gains de course hippique. Afin d’être conforme au droit de l’Union Européenne (« UE »), le PLF 2021 propose de supprimer l’assujettissement à la TVA des gains de course hippique.

Création d’un régime de groupe de TVA à compter du 1er janvier 2023. Le PLF 2021 prévoit de transposer l’article 11 de la directive 2006/112/CE (« Directive TVA »), lequel permet à plusieurs personnes de constituer un assujetti unique, dès lors que ces personnes sont établies en France et qu’elles ont entre elles des liens financiers, économiques et organisationnels. L’option pour l’assujetti unique devrait être formulée par le représentant de celui-ci et devrait être accompagnée de la liste des autres membres du groupe ainsi que la preuve de leur accord.

Précisions que les assujettis à la TVA devront patienter avant de pouvoir bénéficier de ce régime de groupe. En effet, ce nouveau dispositif n’entrera en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2022. L’option pour l’assujetti unique devra se faire avant le 31 octobre 2022 en vue d’une application au 1er janvier 2023.

  • Fiscalité des entreprises

Neutralisation temporaire fiscale des opérations de réévaluation libre d’actifs. Pour rappel, la réévaluation libre d’actifs est une opération comptable permettant à une entreprise de modifier la valeur comptable d’un élément d’actif immobilisé et inscrit au bilan à sa valeur historique afin d’avoir une valeur actualisée dudit élément d’actif.

En l’état actuel du droit, cette réévaluation est susceptible d’entraîner une imposition immédiate de la plus-value dégagée, laquelle constitue un produit imposable dans les conditions de droit commun. Le premier projet de loi de finances pour 2021 prévoit dans le cadre d’un nouvel article 238 bis JB du code général des impôts (« CGI »), un dispositif optionnel permettant une neutralisation temporaire des conséquences fiscales de la réévaluation d’actifs. S’agissant d’une immobilisation amortissable, un régime d’étalement de l’imposition de l’écart de réévaluation serait instauré, tandis que s’agissant d’une immobilisation non amortissable, un régime de sursis d’imposition serait mis en place. Dans un contexte de crise économique et sanitaire, l’objectif visé par le législateur est d’inciter les entreprises à réévaluer leur bilan afin de renforcer leurs capitaux propres et de présenter une image solide leur permettant ainsi d’accroître leurs capacités de financement.

Étalement de la plus-value réalisée lors d’une opération de cession-bail d’immeuble par une entreprise. Une cession-bail est une opération par laquelle une entreprise propriétaire d’un bien immobilier professionnel le cède à une société de crédit-bail immobilier (crédit-bailleur), tout en en gardant la jouissance en devenant le locataire (crédit-preneur). Le contrat de crédit-bail est assorti d’une option d’achat permettant à l’entreprise de racheter son bien immobilier en cours de bail ou bien à l’issue du contrat de crédit-bail. En l’état du droit actuel, la plus-value dégagée à l’occasion de la cession du bien immobilier à une société de crédit-bail est intégralement imposée au titre de l’exercice au cours duquel le bien est cédé. Le PLF 2021 prévoit une option qui permettrait d’étaler l’imposition de la plus-value de cession sur la durée du contrat de crédit-bail. L’objectif visé ici est d’améliorer la trésorerie des entreprises. Notons toutefois que ce dispositif est temporaire et ne devrait s’appliquer que jusqu’au 31 décembre 2022.

Suppression progressive de la majoration de 25% des bénéfices des entreprises qui n’adhèrent pas à un organisme de gestion agréé. Pour rappel, en l’état actuel du droit, est prévue une majoration de 25% des revenus d’activités indépendantes commerciales, artisanales, libérales ou agricoles perçus par des contribuables soumis à un régime réel d’imposition et qui n’auraient pas adhéré à un organisme de gestion agrée. Le PLF 2021 prévoit de diminuer cette majoration à :

  • 20% pour l’imposition des revenus de l’année 2020 ;
  • 15% pour l’imposition des revenus de l’année 2021 ;
  • 10 % pour l’imposition des revenus de l’année 2022 ;
  • La majoration serait définitivement supprimée à compter de l’imposition des revenus de l’année 2023.
  • Impôts locaux

Baisse du plafond de la contribution économique territoriale (« CET »). La CET est composée de deux éléments distincts : la contribution foncière des entreprises (« CFE ») et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (« CVAE »). Outre les dégrèvements propres à la CFE ou à la CVAE, le droit actuel prévoit un dégrèvement global de tout montant excédant 3% de la valeur ajoutée d’une entreprise. Le PLF 2021 prévoit d’abaisser ce taux de plafonnement à 2% à compter des impositions dues au titre de 2021.

Baisse de 50% du taux d’imposition de la CVAE. La CVAE est un impôt local dû par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. Le PLF 2021 prévoit d’abaisser de 50% le taux d’imposition de la CVAE et ce pour toutes les entreprises quel que soit leur niveau de chiffre d’affaires.

  • Droits d’enregistrement

Suppression du caractère obligatoire de l’enregistrement de certains actes de société. Le PLF 2021 prévoit la suppression de l’enregistrement obligatoire des actes suivant :

  • Les augmentations de capital en numéraire et par incorporation de bénéfices, de réserves ou de provisions ;
  • Les augmentations de capital de sociétés à capital variable constatées à la clôture d’un exercice ;
  • L’amortissement ou la réduction de capital ;
  • La formation de groupement d’intérêt économique.

Il est parallèlement prévu pour tous les autres actes qui demeureraient soumis à l’enregistrement (par exemple les cessions de droits sociaux), de rendre possible le dépôt de ces actes au greffe du tribunal de commerce avant l’exécution de la formalité d’enregistrement au service des impôts.

 

 

Thibaud ESTEVE, auteur de cet article, est avocat au sein du département fiscalité du cabinet d’avocats international  Sagasser intervenant dans tous les domaines du droit des affaires et de la fiscalité, focalisé sur les relations d’affaires franco-allemandes et franco-russe.

 

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