Fiscalité

Premier projet de loi de finances pour 2022 (à jour au 22 septembre 2021)

20 Oct 2021

Le premier projet de loi de finances pour 2022 (le « PLF 2022 ») a été présenté en Conseil des ministres le 22 septembre 2021 et a été renvoyé devant la Commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée Nationale.

Avant d’évoquer les réformes prévues par le PLF 2022, rappelons à titre introductif que le PLF 2022 poursuit et finalise la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés (« IS ») prévue initialement par la loi de finances 2018 et modifiée par la loi n°2019-759 du 24 juillet 2019. Ainsi, à compter du 1er janvier 2022, le taux normal d’IS sera fixé à 25% pour toutes les entreprises quel que soit leur chiffre d’affaires.

Par ailleurs, la réforme de la taxe d’habitation se poursuivra. Rappelons que depuis le 1er janvier 2021, 80% des contribuables en sont exonérés. À compter de 2022, les 20% des contribuables restants bénéficieront d’une exonération de la taxe d’habitation à hauteur de 65%.

Le PLF 2022 étant dense, seules les mesures les plus significatives seront analysées. Précisons également que les réformes qui sont présentées ci-dessous pourraient faire l’objet de modifications au cours des différentes étapes de discussion du PLF 2022 à l’Assemblée nationale.

  • Impôt sur le revenu (« IR »)

Ajustement des limites des tranches du barème de l’IR. Le PLF 2022 prévoit d’augmenter de 1,4% chacune des tranches du barème de l’IR, de telle sorte à le rendre conforme à l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac de 2021.

Après application de l’augmentation de 1,4% les tranches du barème de l’IR 2021 seraient les suivantes :

Fraction du revenu imposable (pour une part)Taux d’imposition à appliquer sur la tranche correspondante
Jusqu’à 10 225 €0%
De 10 225 € à 26 070 €11%
De 26 070 € à 74 545 €30%
De 74 545 € à 160 336 €41%
À partir de 160 336 €45 %

 

Précisions sur le crédit d’impôt en faveur des services à la personne. Rappelons qu’il existe actuellement un crédit d’impôt en faveur des services rendus au domicile du contribuable, égal à 50% des dépenses effectivement supportées par le contribuable dans une limité de 12 000 € (cette limite peut éventuellement être majorée sous certaines conditions).

Le PLF 2022 propose d’élargir le champ des services éligibles à ce crédit d’impôt, de telle sorte que certains services exercés en dehors du domicile du contribuable puissent également être pris en compte, dès lors qu’ils sont compris dans un ensemble de services incluant des activités effectuées à la résidence. Par exemple, l’accompagnement des enfants sur le parcours entre l’école et le domicile sera éligible au crédit d’impôt dès lors qu’il est lié à la garde d’enfants à domicile.

Allongement des délais d’option pour les régimes d’imposition à l’IR des entrepreneurs individuels. Pour rappel les entrepreneurs individuels peuvent être soumis à deux catégories de régime d’imposition : le régime de la micro-entreprise et le régime réel d’imposition. Selon qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre de ces régimes, le mode de détermination des charges déductibles (abattement forfaitaire ou montants réels), et les obligations fiscales ou comptables à suivre ne seront pas les mêmes.

En l’état actuel du droit, le délai d’option pour un régime réel pour les contribuables relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (« BIC ») et les délais de renonciation à l’option pour un régime réel pour les contribuables relevant des BIC, bénéfices non commerciaux (« BNC »), ou bénéfices agricoles (« BA ») coïncident. Ces options ou renonciations doivent être formulées avant le 1er février de l’année au titre de laquelle elles sont exercées.

Le PLF 2022 propose d’allonger ces délais jusqu’à la date du dépôt de la déclaration afférente à la période d’imposition précédant celle au titre de laquelle l’option ou la renonciation s’applique. Par exemple, un contribuable relevant de la catégorie des BNC pourrait renoncer à son option au titre de 2022 au plus tard le 18 mai 2022. Cela allonge ainsi de quelques mois le délai d’option ou de renonciation au régime réel.

  • Fiscalité des entreprises

Faculté temporaire d’amortissement fiscal de certains fonds de commerce. Le fonds commercial est présumé avoir une durée d’utilisation non limitée, ce qui le rend dans la majorité des cas non amortissable comptablement ; sa dépréciation ne pouvant être constatée que par voie de provision. Cependant, le droit comptable prévoit la possibilité de constater la dépréciation définitive de certains fonds de commerce acquis en procédant à leur amortissement comptable. Cela concerne notamment :

  • les fonds commerciaux acquis par les petites entreprises (celles qui au titre du dernier exercice clos ne dépassent pas 2 des 3 seuils suivants : 6M de total bilan, 12M de chiffre d’affaires et 50 salariés). Ces petites entreprises peuvent amortir sur 10 ans tous leurs fonds commerciaux même en l’absence de limite prévisible à leur exploitation et
  • les fonds commerciaux ayant une durée limitée, c’est-à-dire ceux qui sont attachés à une activité dont la durée est physiquement limitée (par exemple, l’exploitation d’une mine). Dans cette hypothèse, les fonds commerciaux doivent être amortis sur leur durée d’utilisation ou, si cette durée ne peut être déterminée de manière fiable, sur 10 ans.

En l’état actuel du droit, ces amortissements ainsi comptabilisés ne sont pas déductibles fiscalement.

Le PLF 2022 propose d’inscrire ce principe de non déductibilité dans la loi, mais prévoit également une exception à ce principe. Les amortissements constatés dans la comptabilité des entreprises au titre des fonds commerciaux lorsqu’ils sont acquis entre le 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023 sont exceptionnellement déductibles fiscalement. L’objectif ici est de soutenir la reprise de l’activité économique en rendant les opérations d’acquisition et de reprise des fonds de commerce plus attractives.

Aménagement des dispositifs d’exonération des plus-values de cession d’entreprises relevant de l’IR par les dirigeants. Pour rappel, les plus-values réalisées à l’occasion de la cession d’une entreprise soumise à l’IR lors du départ à la retraite d’un dirigeant peuvent bénéficier d’un dispositif d’exonération dérogatoire (article 151 septies A du CGI).

L’une des conditions à satisfaire pour bénéficier de ce régime est la cessation par le cédant de toute fonction dans l’entreprise cédée et de faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivantes ou précédant la cession. Le PLF 2022 prévoit de porter le délai entre le départ à la retraite et la cession à 3 ans. Cette mesure a vocation à s’appliquer aux entrepreneurs qui ont fait valoir leurs droits à la retraite entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021. Cela vise à protéger les entrepreneurs qui ont eu des difficultés à trouver des repreneurs dans le contexte de la crise sanitaire liée au Covid 19.

Un autre dispositif prévoit que les plus-values réalisées à l’occasion de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité peuvent sous certaines conditions bénéficier d’un dispositif d’exonération totale ou partielle sous réserve notamment que la valeur des éléments transmis n’excède pas respectivement 300 000 € et 500 000 € (article 238 quinquies du CGI).

Le PLF 2021 prévoit de rehausser ces plafonds à
500 000 € pour une exonération totale (au lieu de
300 000 €) et à 1 000 000 € pour une exonération partielle (au lieu de 500 000 €).

Enfin, le PLF 2022 prévoit une mesure qui permet d’assouplir l’une des conditions d’application des deux dispositifs précités (151 septies A et 238 quinquies) en cas de transmission d’un fonds de commerce en location gérance. En l’état actuel du droit, cette transmission peut bénéficier des régimes 151 septies A et 238 quinquies dès lors que :

  • L’activité est exercée depuis au moins 5 ans au moment de la location ;
  • La transmission (ou cession) est réalisée au profit du locataire gérant.

Le PLF 2022 assouplit cette dernière condition en permettant de transmettre (ou céder) l’activité mise en location gérance à une autre personne que le locataire gérant, sous réserve que cette transmission (ou cession) porte sur l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité.

Aménagement du dispositif de l’abattement fixe s’appliquant aux plus-values réalisées par les dirigeants de PME soumises à l’IS. En l’état actuel du droit, les plus-values réalisées par les dirigeants de PME soumises à l’IS qui cèdent les titres de leur entreprise à l’occasion de leur départ à la retraite sont, sous certaines conditions, réduites d’un abattement fixe de 500 000 € (article 150 0 d ter du CGI). Parmi ces conditions, les dirigeants doivent céder leurs titres au plus tard le 31 décembre 2022.

  • Le PLF 2022 prévoit de proroger ce délai de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2024.

Aussi, le dirigeant doit notamment cesser toute fonction et partir à la retraite dans les deux années suivant ou précédent la cession. Il s’agit ici de la même condition que celle déjà analysée dans le cadre des plus-values de cession d’entreprises relevant dans l’IR.

  • Par cohérence, le PLF 2022 procède au même ajustement, et porte ce délai de 2 à 3 ans.

Mise en conformité avec le droit européen des retenues à la source applicables aux sociétés non résidentes. Le Conseil d’État a, dans une décision en date du 11 mai 2021 (n°438135, UBS Asset management Life ltd), jugé que l’impossibilité pour une société d’assurance vie britannique percevant des dividendes de source française de déduire certaines charges de la base de la retenue à la source de l’article 119 bis 2 du CGI était contraire à la libre circulation des capitaux.

Dans ce contexte, le législateur propose à travers le PLF 2022 de mettre en place un dispositif permettant aux sociétés étrangères la restitution a posteriori de la retenue à la source acquittée. Cette restitution est égale à la différence entre la retenue à la source prélevée et la retenue à la source calculée à partir d’une base nette des charges réelles supportées pour l’acquisition et la conservation des revenus imposés. Cette mesure concerne les retenues à la source des articles :

  • 119 bis 2 du CGI (certains revenus de capitaux mobiliers et revenus distribués),
  • 182B du CGI (certains revenus non salariaux)
  • 182A bis du CGI (rémunération de prestations artistiques)
  • TVA

Transposition de la directive européenne 2019/2235 prévoyant des exonérations de TVA au bénéfice des forces armées et organismes européens. Le PLF 2022 prévoit de transposer dans le CGI les exonérations de TVA prévues par la directive 2019/2235 :

  • au bénéfice des forces armées des États membres de l’UE lorsque celles-ci sont affectées à un effort de défense mené en vue de la mise en œuvre d’une activité de l’UE dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune ; et
  • pour les importations de biens et achats de biens et services réalisés par la Commission ou un organisme européen, en exécution des taches dont ils ont été chargés dans l’objectif de lutte contre la pandémie du Covid 19.

Assouplissement des modalités d’option à la TVA des entreprises du secteur financier. Pour rappel, les opérations qui se rattachent aux activités bancaires et financières, peuvent lorsqu’elles sont exonérées de TVA, sous certaines conditions être soumises sur option à cette taxe. Cette option est en l’état actuel du droit global, c’est-à-dire que lorsque l’option est exercée, les assujettis doivent soumettre l’intégralité des opérations concernées à la TVA.

Le PLF 2021 prévoit de permettre aux assujettis la possibilité d’opter opération par opération plutôt que globalement.

Avancement de la date d’exigibilité de la TVA sur les livraisons de biens. Rappelons qu’en l’état actuel du droit, le fait générateur et l’exigibilité de la TVA afférente à une livraison de bien coïncident et n’interviennent qu’au moment de la réalisation de cette opération.

Le PLF 2022 propose d’avancer cette date d’exigibilité à la date, le cas échéant, de versement des acomptes.

Ajustement des taux réduits de TVA dans les secteurs agroalimentaire et de la santé. En l’état actuel du droit, les taux dépendent du niveau de transformation des aliments. Le PLF 2022 prévoit l’application du taux réduit de 5,5% à tous les produits destinés à l’alimentation humaine tout au long de la chaîne de production. Bien entendu, à l’exception des boissons alcoolisées, de certains chocolats, des produits de confiserie, des margarines et graisses végétales, et du caviar qui restent soumis au taux normal de 20%.

Le PLF 2022 propose par ailleurs de soumettre au taux intermédiaire de 10% les denrées alimentaires destinées à la consommation animale, ainsi que les produits destinés à être utilisés dans la production agricole.

Nouvelles exigences pour être accrédité comme représentant fiscal. Pour rappel, lorsqu’une personne non établie dans l’UE est redevable de la TVA ou doit accomplir des obligations déclaratives, elle est tenue de désigner un représentant assujetti établi en France qui s’engage à remplir les formalités lui incombant et, en cas d’opérations imposables, à acquitter la taxe à sa place.

L’accréditation d’un représentant fiscal reposait uniquement sur sa bonne moralité fiscale au jour de la demande. Dans un objectif de lutte contre la fraude, le PLF 2022 prévoit de nouveaux critères prenant en compte la moralité fiscale et économique, l’adéquation des moyens à la mission de représentation et la solvabilité financière.

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